GAZETTE N°28: TeX sans douleur !

Le fax sous Linux pour les nuls

Par Martin Vermeer

Adaptation française : Éric Jacoboni


Previous Suivant Table of Contents

3. TeX sans douleur !

LyX, un projet international bénévole qui a démarré à Tübingen, en Allemagne, est déjà en train de révolutionner le traitement de texte sous Linux. Il s'agit d'un environnement graphique et interactif pour LaTeX et sous X, permettant un accès simplifié à la pleine puissance de ce logiciel de composition tout en présentant un aspect à la Microsoft Word pour Windows. De plus, le plus surprenant est qu'il est aussi facile à utiliser !

3.1 Historique

Lorsque vous dites au gens que vous utilisez Linux, leur première réaction est souvent « oui, c'est un système d'exploitation intéressant pour les programmeurs et les scientifiques, mais pas pour les autres. Il n'existe pas de bonnes applications qui tournent dessus » Malheureusement, jusqu'à il y quelques années, cette remarque était trop vraie, notamment à propos des traitements de texte.

Ce n'est que lors de ces dernières années que la situation a commencé à s'améliorer, avec la disponibilité de quelques bons produits -- commerciaux, c'est vrai -- pour Unix en général et Linux en particulier. Applixware, par exemple, une suite bureautique complète, à reçu un écho très favorable dans un article récent du Linux Journal, il en va de même pour le paquetage freeware Star Office. Tous les deux contiennent un module traitement de texte très conventionnel.

TeX/Metafont a été développé par Donald Knuth, et LaTeX est une extension écrite dans le langage de macro de TeX par Leslie Lamport. Les deux systèmes ont été étendus par un ensemble de bénévoles et existent depuis plus d'une dizaine d'années : ils sont gratuits, librement disponibles et bons très bons. Il ne s'agit plus de traitement de texte, mais de composition de document. Il suffit de jeter un coup d'oeil à un document produit en LaTeX, notamment un document mathématique, pour voir la différence...

Jusqu'à récemment, la seule façon d'utiliser ce logiciel était d'éditer manuellement le code source du document en utilisant le langage de description, un manuel ouvert à côté du clavier. Écrire des formules faisait mal à la tête, mais les mathématiciens adorait cela ! La beauté de LaTeX est qu'il permet de spécifier à un niveau assez abstrait la structure d'un document sans avoir à se soucier des détails de sa mise en page réelle.

De nombreuses revues scientifiques ont aussi distribué des paquetages de macros pour TeX et LaTeX afin d'aider leurs contributeurs à écrire leurs articles selon le format standard voulu. Ainsi, TeX est devenu aussi un standard d'échange des manuscripts scientifiques (si seulement mon Word pour Windows pouvait produire la même mise en page pour les articles que j'écris chez moi et pour ceux que j'écris au bureau !)

Nous avons tous entendu parlé du langage de description utilisé sur le Web, HTML. Vous êtes-vous déjà demandé combien de pages Web seraient publiés dans le monde si elle devaient toutes être éditées manuellement dans un langage de description hypertexte pur ? Pas beaucoup, j'en ai peur. Tout le monde utilise des outils interactifs et graphiques qui montrent l'aspect qu'aura la page pendant qu'on l'écrit.

3.2 Bienvenue dans LyX

Il y a quelques années, Matthias Ettrich du département informatique de l'université de Tübingen, décida de faire quelque chose. LaTeX avait besoin aussi d'un éditeur facile à utiliser et montrant interactivement à l'écran comment serait structuré le document. Il génèrerait ensuite, sur notre ordre, le code LaTeX contenant toutes les commandes nécessaire au travail de composition. La première tentative d'Ettrich s'appela Lyrix, le nom se transforma en LyX pour des raisons légales.

D'autres bénévoles, dans plusieurs pays, rejoignirent le projet et, il y a un an, la première version béta, la 0.10.7, fut publiée sur le Web. Elle n'était ni parfaite, ni complète, et les fonctionnalités les plus communes de LaTeX n'étaient même pas toutes gérées. Elle était cependant assez intéressante pour que l'on désire l'essayer, voici mes premières impressions.

Pour tester et pour écrire cet article, j'utilise un système Intel i486sx à 33 MHz (oui, LyX s'exécute un peu lentement mais, à mon bureau, sur un Pentium à 75 Mhz, il vole) avec 8 Mo de mémoire et 1,5 Go d'espace disque réservé à Linux. En janvier dernier, j'ai installé une Red Hat 4.0 (« Colgate ») et LaTeX2e, la version requise pour LyX.

Au moment où j'ai commencé avec Linux, en février de cette année, la documentation LyX était encore très pauvre, mais fin juin, un paquetage de documentation très améliorée fut publié. En ce qui me concerne, j'ai une expérience Unix qui date de cinq ans (avec ces Unix qui ressemblent à des monstres à côté de Linux) et ma seule expérience en LaTeX a été d'imprimer à l'occasion des fichiers que des collèques m'avaient envoyés.

LyX a de nombreux sites qui lui sont consacrés de part le monde. Nous les énumérons ici brièvement. Sur ceux-ci, vous pourrez des liens vers d'autres sites.

Le « site officiel » de LyX est la machine française, où se trouvent habituellement les dernières versions de tout ce qui touche à LyX. Le site allemand de Tübingen est également intéresssant. Vous pourrez trouver des liens vers un grand nombre d'autres sites Web dédiés à LyX des deux côtés de l'Atlantique. Dans l'un d'entre eux, j'ai même trouvé une capture écran de LyX contenant du texte en chinois :

Il existe un autre éditeur LaTeX pour l'environnement MS-Windows dont la conception est similaire dans ses grandes lignes à celle de LyX. Il s'agit d'un produit commercial nommé « Scientific Word » et ses concepteurs précisent qu'il est très bon (évidemment !). Cependant, je ne connais aucun de ses utilisateurs, quelqu'un peut-il m'éclairer ? Je ne sais pas non plus s'il existe une version pour Unix/Linux et l'idée d'avoir à utiliser TeX dans un environnement DOS/Windows ne me plaît guère, mais je me trompe peut être...

3.3 Installation

Ma version de Linux sur CD-ROM contenait une pré-version de LyX dans le répertoire « contributions » qui ne fonctionnait pas correctement. J'ai trouvé sur le Web la béta version 0.10.7 sous la forme d'un fichier *.tar.gz et l'ai téléchargée.

Conseil :

L'utilitaire mc (Midnight Commander), un clone du produit existant sous MS-DOS, vous permet de consulter le contenu des fichiers *.tar.gz et *.rpm (Red Hat Package Manager). C'est pratique !

On parcourt le fichier avec mc, ou, de façon plus classique, avec la commande :

tar -tzvf 

puis, on le décompacte par la commande :

tar -xzvf

dans un répertoire lyx créé au préalable.

Remarque :

la commande tar, avec son cortège d'options, semble interdite à l'utilisateur débutant. Cependant, lorsqu'on utilise des fichiers disque plutôt que des bandes, on a seulement besoin de connaître une demi-douzaine d'entre elles : pour créer des archives, les parcourir, les désarchiver, éventuellement les compacter/décompacter avec gzip/gunzip (GNU tar, uniquement) et pour donner un nom au fichier d'archive.

Pour obtenir de l'aide sur toutes ces options, utilisez l'aide en ligne en tapant :

man tar

ou

info tar

ou, mieux, leurs équivalents graphiques actuels :

tkman tar

ou

tkinfo tar

Vous trouverez, de la même façon, de l'aide pour toutes les autres commandes qui vous intéressent. Les deux derniers programmes sont une bonne démonstration de la puissance du langage de script tcl/tk, une sorte de Visual Basic en freeware tournant sur un grand nombre d'environnements fenêtrés. Téléchargement recommandé !

J'ai créé un répertoire lyx sous /home et j'y ai désarchivé le paquetage.

Première difficulté : LyX s'attend à être sous /usr/local. S'il est ailleurs, on doit utiliser la variable d'environnement LYX_DIR dans bashrc pour que LyX sache où tout se trouve.

Problème suivant : Il faut indiquer à Linux où se trouve LyX. Comme l'exécutable binaire est maintenant dans /home/lyx/bin/lyx, j'ai résolu le problème en plaçant un lien symbolique dans le répertoire /usr/bin, qui se trouve dans le chemin de recherche du shell :

ln -s /home/lyx/bin/lyx /usr/bin/lyx

et c'est tout. Les liens symboliques sont bien pratiques !

Après cela, LyX fonctionne où que l'on soit dans le système.

On peut créer un alias :

lyx='lyx -width 600 -height 350', 

avec les valeurs convenables pour que la fenêtre LyX tienne dans votre écran.

Pour que le système man trouve les pages du manuel de LyX, il faut éditer le fichier /etc/man.config, ou alors (obligatoire pour tkman), définir la variable shell MANPATH. Consultez la documentation adéquate.

Il existe un fichier .lyxrc dans votre répertoire personnel (ou alors, vous devrez le copier à partir du modèle donné dans la distribution), qui doit être édité selon ses besoins. Par exemple, je me suis aperçu que la fonte écran utopia manquait et je l'ai remplacée par times. De plus, l'encodage des fontes T1 ne fonctionnait pas pour les caractères spéciaux scandinaves, j'ai donc choisi « default » à la place et l'encodage d'entrée « latin1 ». Toutes les autres options éditables du fichier sont expliquées par des commentaires judicieux.

Un peu de bricolage supplémentaire sur le fichier de configuration est nécessaire pour que tout fonctionne ensemble correctement : LyX, xdvi (le prévisualisateur), ghostscript/ghostview (ditto  j'ai trouvé la version 4.03-1 satisfaisante, une version antérieure était buggée),>dvips (le module de conversion) et /etc/printcap, le fichier décrivant les capacités de votre imprimante. Heureusement, le manuel de Lyx contient de nombreuses informations sur ces parties cruciales que tout utilisateur Linux doit parcourir afin de faire fonctionner son imprimante, spécialement avec TeX -- LyX ou pas.

Il y a beaucoup d'autres choses que vous pouvez faire pour que LyX cohabite bien avec votre système, par exemple l'ajouter au menu système de votre gestionnaire de fenêtres. Espérons que les créateurs de paquetages (Red Hat et les autres), « découvriront » LyX et feront tout ce bricolage à notre place : ainsi, les utilisateurs inexpérimentés n'abandonnerons plus devant la complexité...

3.4 Est-ce que cela fonctionne ?

La réponse générale, selon mes expériences précédentes, est : Oui !

Il faut quand même ajouter que le logiciel n'est pas exempt de bugs, mais une « segmentation fault » est rare avec LyX.

Un bug ennuyant est que, lorsqu'on lance LaTeX en tâche de fond après avoir ouvert un fichier dans la fenêtre de LyX, le contrôle peut ne pas revenir et l'on doit tuer le processus par Ctrl-C (cela ne fait pas perdre de données, juste du temps).

De plus, de nombreuses fonctionnalités de LaTeX, dont certaines sont triviales, ne sont pas gérées directement par LyX ou ne fonctionne pas exactement comme elle le devraient. J'ai été géné, par exemple, avec l'environnement bibliography. Mais, plus je travaille avec LyX et plus je l'apprécie -- notamment depuis qu'il gère un mode transparent dans lequel les commandes LaTeX sont gérées directement et sans être modifiées pour produire une sortie. Tout ce que l'on a à faire est de « peindre » la commande LaTeX en rouge en utilisant la souris et le bouton de la barre d'outils LaTeX et LyX saute tout traitement. Ceci signifie que toutes les commandes qui ne sont pas directement disponibles en LyX peuvent être obtenues par la force brute, par la porte de derrière, malgré LyX : c'est une technique en laquelle je suis rapidement passé maître.

Voici une capture d'écran décrivant une bibliographie faite à votre mesure :

En fait, il est possible de n'utiliser LyX que comme un simple éditeur de source LaTeX, de la façon dont les scientifiques utilisent vi ou Emacs. On n'y gagne rien et on n'y perd rien. LyX est un assez bon éditeur, il permet de configurer les détails de la mise en page, comme l'indentation et l'alignement des paragraphes, la mise en forme des caractères comme les formes et les tailles des fontes, leur mise en valeur, les petites majuscules, etc. pour des zones sélectionnées dans le texte. Il permet aussi de traiter le document dans son ensemble (cet édition de base est, bien sûr, traduite en LaTeX).

Mais, l'utilisation de l'une des nombreuses fonctionnalités complexes de LaTeX gérées par LyX -- l'éditeur de formules, par exemple -- apporte des gains appréciables pour l'utilisateur en facilitant grandement le travail d'édition.

Une anecdote : l'un de mes collègues allemands m'avoua qu'il avait caché ses compétences en LaTeX à son employeur, car il avait horreur d'écrire -- en fait, de programmer -- des formules et ne voulais plus qu'on lui demande de le faire.

Nous, les informaticiens, ne devrions jamais sous-estimer la difficulté que la programmation (et un langage de description de document est un paradigme de programmation) pose aux utilisateurs des ordinateurs !

3.5 Formules

En tant que scientifique, je dois pouvoir facilement écrire des formules correctes. Par conséquent, je voulais mettre l'éditeur mathématique à l'épreuve. MS-Word pour Windows dispose d'un très bon éditeur mathématique (apparemment, une licence d'une société moins connue), et le test décisif pour LyX fut de se mesurer à ce standard. Voici quelques formules que j'utilise souvent au travail. Commençons par l'expansion du potentiel gravitationnel de la Terre en harmoniques sphériques (W. A. Heiskanen et H. Moritz : Physical Geodesy, W.H. Freeman & Cy., 1967, p. 107) :

... et dans le prévisualisateur xdvi :

Une autre formule fréquemment rencontrée en géodésie physique est l'intégrale de Stokes, dont le nom vient de G. G. Stokes, célèbre mathématicien qui découvrit en 1849 la relation entre l'étendue globale des anomalies de gravité (delta-g) et les ondulations du niveau mathématique moyen des mers ou géoïde N (NdT : si un lecteur s'y connaît en géodésie physique, merci de corriger ces traductions) :

Où la fonction de Stokes S est définie par la même image :

Quelle peut être la conclusion ? Je n'ai pas écris ces deux formules aussi rapidement que je l'aurait fait avec l'éditeur d'équation de WFW, mais je l'ai fait plus vite que je ne l'avais fait pour la première fois, il y a de nombreuses années (Übung macht den Meister). En tous cas, cela bat sûrement le codage manuel en LaTeX au niveau de la rapidité et de la convivialité !

L'éditeur mathématique est bon, intuitif, interactif et c'est une belle pièce de programmation. Certains petits ajouts sont encore nécessaires. Quelques uns des symboles mathématiques les plus étranges manquent encore -- ils peuvent être ajoutés au panneau mathématique sous leur forme LaTeX pure :

et on ne peut pas avoir le domaine d'intégration placé juste au dessous du signe de l'intégrale, comme avec les limites de sommation du grand signe Sigma. En mode affichage, ces limites, qui sont entrées comme « indice » et « exposant », sont placées au dessous et au dessus du Sigma, voir ci-dessus.

Pour numéroter les équations, il suffit de mettre un « insert label » dans la boîte d'équation et c'est tout. On peut utiliser des noms symboliques pour les formules qui apparaissent lorsqu'on essaie d'insérer une référence croisée. LaTeX remplacera les références par des nombres dans l'ordre correct.

Les fonctions standards sin et cos doivent être saisies en « mode macro », en les préfixant par un anti-slash. Elles sont affichées en roman. Il faut se rappeler du nom de la fonction et du symbole LaTeX, ce n'est pas dur pour les sinus et les cosinus... Les placer dans le tableau mathématique est aussi une bonne idée.

Du texte pur en roman peut être entré par une suite de touches décrite dans le guide de l'utilisateur. Les indices et les exposants sont saisis selon la méthode LaTeX traditionnelle : en les préfixant par un _ ou un ^.

Le mode mathématique de LaTeX est supérieur à MS-Word pour Windows lorsqu'il s'agit de changer la taille de la fonte. Si vous changez la taille de fonte par défaut dans un document LaTeX, toutes les fontes, dont celles des formules, changeront en proportion sans aucun travail supplémentaire de notre part. Avec WFW, il faut changer séparément la taille de la fonte dans l'éditeur de formule, puis cliquer sur chaque formule... Je préfère la méthode LaTeX.

3.6 Entêtes de section et autres

Les formules et les équations sont peut être quelque chose de trop particulier pour convaincre l'utilisateur ordinaire de passer à LyX. Intéressons-nous donc à quelque chose de plus terre à terre, comme les entêtes de sections, sous-sections, sous-sous-sections, etc.

Pour résumer : ils sont parfaitement gérés. LyX montre les numéros des entêtes à l'écran, et les change lors d'ajouts ou de suppressions. On peut aussi ouvrir le panneau de la table des matières :

à partir duquel on peut se déplacer rapidement dans les gros documents (cela correspond au « mode plan » de MS-Word pour Windows, mais avec LyX on n'a pas à changer de mode, il suffit de cliquer sur le bon entête dans le panneau de la table des matières).

Comme nous l'avons vu pour les formules, les entêtes de sections etc. peuvent être désignés par des labels. Ceux-ci apparaissent dans un panneau de labels :

qui s'ouvre à chaque fois que l'on ajoute une référence. On peut faire référence soit à la (sous-) section, soit à la page sur laquelle elle se trouve, comme lorsqu'on dit « voir la section 3 en page 7 ». Si vous déplacez des parties de texte, les nombres sur la sortie imprimée peuvent changer, mais pas les labels :

Si vous désirez un entête non numérotés, utilisez la forme section* (ou ses équivalents pour les sous et les sous-sous sections) à partir du menu des styles. Ces entêtes n'apparaitront pas non plus dans la table des matières. Si vous voulez qu'ils apparaissent quand même, vous feriez mieux d'ouvrir le LaTeX Companion, page 36, et ajoutez la commande

\addcontentsline{toc}{section}{Entêtes de section et autres}

peinte en LaTeX rouge, bien sûr.

3.7 Figures et tableaux (et notes de pied de page)

Ils sont aussi très bien gérés. Ils peuvent être placés dans un « flottant » pour être positionnés correctement sur la page. La figure peut avoir une légende. Les légendes sont numérotées et répertoriées dans une liste des figures/tableaux. On peut aussi y faire référence -- vous vous en doutez -- en incluant un label dans le texte de la légende.

LyX 0.10.7 et le prévisualisateur xdvi affichent les figures *.eps (encapsulated postscript) à l'écran. J'ai cependant noté que LyX n'affichait pas les grosses images, mais qu'elles sortaient très bien à l'impression.

Les images EPS peuvent être dessinées à l'aide d'xfig qui possède une interface complexe et peu attirante mais qui bat l'outil de dessin fourni avec WfW 6, qui est une grosse déception après celui qui était fourni avec WfW 2. Les images bitmap peuvent aussi être générées au format EPS, par exemple en utilisant l'outil de capture d'écran import, qui fait partie du paquetage (recommandé !) ImageMagick. Les captures écran de cet article ont été réalisées ainsi, mais au format bitmap.

Une faiblesse de LyX est l'absence de gestion des commandes figure* et table* de LaTeX, qui placent une figure ou un tableau sur la pleine largeur d'une page en deux colonnes (mais on peut facilement insérer ces commandes à la main, en les peignant en rouge...).

Et les pieds de page, bien sûr (mais pas de gestion de la commande thanks !).

3.8 Environnements imbriqués

L'un des avantages bien connus de LaTeX sont les trois environnements imbriqués enumerate, itemize et description permettant de créer des listes numérotées/à puces/descriptives. LyX gère celles-ci à l'écran comme elles apparaitront sur le papier. Elles peuvent être librement imbriquées, jusqu'à quatre niveaux.

3.9 Tableaux (« tabular »)

Les tableaux sont bien gérés, avec un éditeur de tableaux complètement fonctionnel à portée du bouton droit de la souris. L'équipe de LyX prétend que cet éditeur est buggé/incomplet/les deux, mais il satisfait mes modestes beoins. Les tableaux s'étendent et se contractent intelligemment en fonction de leur contenu, comme sur une sortie papier LaTeX. On peut ajouter ou supprimer des colonnes, placer des lignes horizontales ou verticales dans le tableau et en supprimer, et joindre des cellules voisines. L'alignement du texte peut être fait par colonne, comme en LaTeX : à gauche, à droite ou centré.

3.10 Raccourcis claviers et autres

Tous les menus de la barre de menus peuvent être activés en faisant M-<lettre>, lettre étant celle qui est soulignée dans le menu. C'est logique, « à la MS-Windows » et est documentée quelque part dans l'ensemble des documents de la distribution 0.10.7.

On peut découvrir, par essais successifs ou dans la documentation, que M-<lettre> suivi d'<espace> ouvre le menu en question. Les lettres des sous-menus sont affichées dans la ligne d'état sous l'écran de texte, au cas où vous hésiteriez... très bonne conception !

J'ai été content de constater que mon réflexe de la main gauche Alt-F S permettait de sauvegarder le fichier sur disque. Utilisez-le souvent !

Il y a deux dispositifs pour lier les touches, l'un de type PC et l'autre de type Emacs.

LyX possède aussi un bon utilitaire de recherche (et de remplacement) :

Le couper/coller fonctionne à l'intérieur d'un document, et entre deux documents ouvert en même temps (seul l'un d'entre eux est toujours visible). L'importation à partir d'autres applications fonctionne, mais pas encore l'exportation.

3.11 Étendre LyX

LyX 0.10.7, tel qu'il est distribué, gère presque toutes les types de classes standards de LaTeX2e : article, report, book, letter et amsart (« American Mathematical Society article »). De plus, un mode spécial pour le format SGML Linuxdoc est fourni : il a été utilisé pour produire ce texte. La création de transparents n'est gérée qu'en partie seulement.

Ceci n'est, bien sûr, que la partie émergée d'un gros iceberg : selon The LaTeX Companion (M. Goossens, F. Mittelbach, A. Samarin, Addison-Wesley 1994), il existe plus de 150 paquetages couvrant les besoins les plus variés -- des partitions musicales aux diagrammes de Feynman. Il faudra du temps avant que LyX ne les intègre !

Ajouter de nouvelles classes est facile. Il faut d'abord trouver la classe pour LaTeX (sur le Web, habituellement) et l'installer si elle n'est pas déjà dans votre distribution. Ces fichiers ont l'extension .cls. Puis, on doit créer un fichier layout, basé habituellement sur un qui existe déjà, comme article.layout, dans lequel sont décrites les propriétés des toutes les commandes majeures et des environnements de la classe. Si tout cela est fait correctement, ces styles se comporteront à l'écran de la même façon que sur la page imprimée de LaTeX. En d'autres termes, c'est presque du WYSIWYG.

J'ai moi-même écrit quelques fichiers layout pour les journeaux pour lesquels j'écris des articles. J'ai ainsi découvert que, pour que LaTeX reconnaisse un nouveau fichier classe, on devait lancer :

texhash

et, pour que LyX trouve une nouvelle paire classe/layout, on devait d'abord éditer le fichier chkconfig.ltx, puis faire :

latex chkconfig.ltx

On apprend en pratiquant...

3.12 Le futur de LyX

Après avoir sorti la version 0.10.7, l'équioe LyX a développé des versions 0.11 successives. Malheureusement, ils n'ont pas arrêté d'avoir des problèmes avec les bugs. La version 0.11.X commence seulement maintenant à être à nouveau fonctionnelle. La bibliothèque XForms, permettant l'interface avec le système X, a été remplacée par Qt une bibliothèque à priori meilleure. Des parties du code ont aussi été revues.

Un changement est l'introduction de l'héritage entre les fichiers .layout qui fait que l'on peut dire qu'une nouvelle classe de LyX possède déjà, par exemple, toutes les propriétés d'article, avec certaines de plus et certaines autres modifiées. L'écriture de nouveaux fichiers layout, ainsi que leur maintenance, est donc beaucoup plus facile. Les connaisseurs y verront la copie conforme de la technique utilisée en LaTeX et cela facilitera le travail d'intégration dans LyX.

Actuellement, le menu Layout/Document offre le choix entre différentes tailles de papier et, pour le format DIN A4, un choix entre quelques largeurs de marges standards. La configuration libre des marges par l'utilisateur n'est pas encore possible, mais c'est prévu pour l'avenir. En attendant, on peut utiliser le paquetage geometry, qui doit être activé par les lignes suivantes :

\usepackage{geometry}
\geometry{diverses options pour les tailles des pages et des marges}

dans le préambule du document LaTeX. Ceci est réalisé à partir de LyX via le menu Layout. Ceci ne peut être fait qu'avec une compréhension minimale du fonctionnement de LaTeX...

3.13 Quelques conclusions philosophiques

En conclusion, je dirai que le système LyX, bien qu'étant encore un peu anguleux, fonctionne bien, qu'il est, malgré son stade de béta, déjà de très bonne qualité et qu'il facilite beaucoupl'exploitation des propriétés uniques de LaTeX. En fait, je m'aventurerai à dire, qu'une fois installé, LyX 0.10.7 n'est pas plus difficile à utiliser que les paquetages de traitements de texte commerciaux pour MS Windows.

Ce que j'apprécie dans la philosophie de LyX, et il y a eu quelques débats dans les forums de discussion là-dessus, est qu'il ne tente pas de couvrir la complexité de la composition d'un texte, complexité correctement prise en charge par LaTeX. Il utilise simplement l'intelligence intégrée de ce logiciel de composition existant pour rendre sa gestion plus facile et intuitive. C'est comme ça que cela doit être.

Les traitements de texte traditionnels (pas de nom...) vous donne plus de liberté pour formater le texte selon vos désirs, mais il faut remarquer que ce n'est pas toujours une bonne chose. Il est facile de créer des documents dont l'aspect à l'écran est précisément aussi horrible que ce qu'ils donneront imprimés !

Bien sûr, il y a des choses qui, par nature, sont faites plus facilement de façon WYSIWYG : l'édition de formules mathématiques, par exemple, qui sont des objets typographiques parmi les plus visuels pour un humain. De même, la structure logique d'un document, sa division en chapitres, sections, etc. est une propriété essentielle qui doit être représentée visuellement. Cependant, d'autres aspects de la composition du texte ne sont pas intrinsèquement visuels  : la division du papier en pages est, par exemple, plus une propriété du papier en tant que support physique qu'une propriété liée au texte. De même, les entêtes de page, les numéros de pages etc. nous sont uniquement destinés à nous, navigateurs de texte en chair et en os. Cette structure de surface du message écrit n'est pas essentielle, et LyX tente avec raison de la sortir élégamment du champ de vision de l'utilisateur.

3.14 Remerciements, et plus...

Tout ce qui ressemble à une marque déposée dans le texte ci-dessus en est probablement une. Contrairement à l'impression que j'ai peut être donnée, je considère que Microsoft(tm) Word(tm) pour Windows(tm) est un excellent logiciel, sans doure le meilleur dans sa catégorie. J'en ai été un utilisateur comblé pendant quatre ans. C'est le leader du marché, et un standard de facto auquel les autres se mesurent.

Que LyX, et LaTeX, s'y mesurent si bien ne dévalorise pas le niveau des programmeurs de Microsoft. LyX, TeX, Linux, ont tout simplement poussé dans un meilleur environnement, un environnement d'ouverture, d'esprit civique et d'enthousiasme pur, plutôt qu'un environnement de dollars et de procès.

3.15 Écriture de ce document

Lorsque l'on m'a demandé d'écrire cet article pour la Linux Gazette, on m'a suggéré de le faire avec LyX et de convertir le code LaTeX en HTML en utilisant latex2html. J'ai installé et essayé cet utilitaire sur mon ordinateur du bureau (un Pentium !) et j'ai décidé de ne pas l'utiliser. Il est très gourmand en CPU, notamment lors de la conversion de formules en images GIF.

J'ai donc décidé d'écrire le texte à l'aide de la classe SGML Linuxdoc, gérée par LyX (cette gestion est encore un peu simplette. Il est facile de produire des fichiers SGML sur lesquels LyX butera : contenant des <tscreen>, par exemple).

Puis, une conversion par sgml2html, inclus dans le paquetage linuxdoc-sgml, s'exécute très rapidement et les éventuelles images peuvent ensuite être ajoutées en utilisant l'éditeur HTML de Netscape, par exemple. La création de ces images, des copies d'écrans, fut facile en utilisant ImageMagick.

Enfin, Unix ne serait pas Unix s'il n'y avait pas une façon plus rapide pour changer les couleurs de fond et du texte de tous les fichiers .html obtenus après la conversion :

#!/bin/bash 
# 
# Ajoute les couleurs de fond et de texte a un document HTML
# 
for i in *.html 
  do 
    sed -e s'/<BODY>/<BODY bgcolor=\'fff0e8\' text=\'503000\'>/g' $i >temp 
    mv temp $i 
    echo $i 
  done 
exit 0


Copyright (c) 1997, Martin Vermeer -- Publié dans le n°20 de la Linux Gazette, Août 1997.

Adaptation française : Éric Jacoboni.


Précédent Suivant Table des Matières