Adoptez un expert Linux
Par Carlo Prelz.
Adaptation Française : Nicolas Chauvat
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3. Adoptez un expert Linux
Il est difficile de se rendre compte des changements en cours, même s'ils sont importants, pour peu que l'on vive aux côtés de ce qui change, qu'il s'agisse d'un enfant, de géopolitique ou de la masse de gens qui vivent de leurs connaissances des technologies de l'information.
De nos jours, alors que les tâches informatisées les plus courantes sont standardisées et que de plus en plus de puissance de calcul est à la disposition de plus en plus de gens, le rôle de « prêtre informatique » tout-puissant est sur le point de disparaître. Mais qu'allons-nous obtenir en échange ?
Sur quelles bases le jeune directeur d'une nouvelle entreprise va-t-il bâtir son système d'information ? Il est très probable qu'il ne fera pas appel à IBM. Il va plutôt commander des PCs équipés d'un assortiment de logiciels Microsoft. D'autres logiciels Microsoft suivront, parce que c'est ce que tout le monde achète.
Une courte période de transition a suffit pour que l'on passe d'un monopole à l'autre, avec l'inconvénient supplémentaire qui est que les personnes ayant aveuglément suivi le mouvement vers la nouvelle solution de facilité se retrouvent aujourd'hui avec du matériel particulièrement peu fiable. Ce matériel est bien plus difficile à adapter à ses besoins propres que ne l'était le précédent. Par le passé, les entreprises qui pouvaient s'offrir un système d'information conséquent employaient du même coup une équipe de programmeurs COBOL ou RPGII qui pouvaient personnaliser à loisir les programmes nécessitant une adaptation.
Aujourd'hui, il est probable que le jeune directeur en question soit équipé d'un serveur NT, d'une suite Microsoft Office et de Windows 95 sur chaque poste de travail, d'un réseau Ethernet et d'un contrat d'assistance souscrit auprès d'une société spécialisée (qui est en charge de quelques dizaines d'autres entreprises du même type). Peut-être pourra-t-il aussi accorder à ses utilisateurs un accès réduit à Internet. Tout est standard, la même voie est empruntée par une innombrable masse de gens partout dans le monde.
Au fur et à mesure des passages, la voie est tracée de plus en plus profondément et il devient de plus en plus difficile d'une choisir une autre. Ce n'est qu'un effet de la gravitation : plus la voie est tracée profondément, plus ses bords sont escarpés et plus la personne, l'entreprise ou l'organisation doit faire d'efforts pour conserver un choix dans la mise en oeuvre d'une solution qui réponde à ses propres besoins informatiques.
Mais pourquoi un directeur informatique raisonnable sortirait-il des sentiers battus ? Le mot clef est adaptation.
Oui, il est possible de programmer pour Windows. Mais dès qu'il s'agit d'avoir une vision précise de ce qui se déroule, Windows ne vous est d'aucune aide. Vous trouverez sans doute des livres, mais à moins que vous n'entreteniez des relations privilégiées avec les ingénieurs travaillant chez Microsoft, il vous est impossible d'être certain que telle caractéristique du système, dont vous faites usage, ne disparaîtra pas sans laisser la moindre trace lors de la prochaine mise à jour. Caractéristique que vous vous devez d'utiliser, parce que tout le monde le fait. Au final, vous devenez dépendant de la prochaine idée géniale qui jaillira des esprits de la firme de Redmond
NdT : implantation principale de Microsoft, non loin de Seattle, dans l'état de Washington .Cette stratégie est transparente. La paresse humaine est à nouveau exploitée, pour le plus grand profit d'une entreprise qui s'est trouvée aux bonnes coordonnées spacio-temporelles et a su manquer de principes lorsqu'il le fallait.
Si notre jeune directeur informatique devait s'accorder un temps de réflexion pour tenter de résoudre ses problèmes d'infrastructure, quels choix s'offriraient à lui ?
Dites-moi si j'ai oublié une alternative valable. Parmi toutes celles citées ci-dessus, la plus prometteuse est Linux. Alors, comment essayer ? La meilleure solution pour un directeur informatique qui voudrait que ses ordinateurs fassent ce qu'on attend d'eux, sans avoir à tout apprendre lui-même, est de louer les services d'experts Linux.
- Si ses ressources sont suffisantes, il peut s'engager sur la voie des grands systèmes. La solution est toujours viable et devient un choix élitiste.
- Si ses relations avec IBM sont impossibles à rompre, ou pour toute autre raison (dont le nombre diminue certainement de jour en jour), il peut choisir OS/2.
- Son romantisme peut aussi le pousser à installer des Macintoshes. Ce choix présente de réels avantages, bien qu'ils semblent eux aussi s'amenuiser peu à peu.
- Il peut aussi choisir un UNIX propriétaire (oui, un de ceux qui coûtent si cher).
- S'il a un comportement inhabituel, il est probable qu'il connaisse déjà Linux, et qu'il ait vu Linux être cité par un nombre toujours croissant de personne au cours des derniers mois. Grâce à Internet, celui qui cherche un peu à s'informer finit toujours par y parvenir.
- Une dernière solution consisterait à écrire entièrement un système d'exploitation, ou à payer quelqu'un pour qu'il le fasse. Ce qui semble assez improbable.
3.1 L'expert Linux
Linux a grandi comme un arbre haut et robuste. Chaque branche est le fruit du travail d'une personne comme vous et moi, qui a décidé de consacrer un peu de son temps libre à rendre l'arbre plus grand et plus fort. Ces efforts ne sont pas gratuits : nous agissons toujours pour obtenir une récompense, toutefois l'argent n'est pas la seule (ni la meilleure) des récompenses. La motivation du mouvement du Logiciel Libre
NdT : Free Software movement était et reste encore de se prouver et de prouver au monde entier que l'on a fait du bon travail, que l'on a brillamment résolu un problème, que l'on a fabriqué un outil pratique, qui n'était pas disponible auparavant. En fait, le monde est un petit peu meilleur que lorsque ce programme n'existait pas...Bien sûr, les programmeurs professionnels doivent eux aussi pouvoir survivre. Voici ce qu'en a dit Richard Stallman (extrait du Manifeste GNU) :
« Les programmeurs ne vont-ils pas mourir de faim ? »
Je pourrais répondre que personne n'est obligé d'être programmeur. La plupart d'entre nous ne parviendraient pas à gagner leur vie en faisant des grimaces dans la rue. Cela ne nous comdamne pas à passer notre vie dans la rue à faire des grimaces et à mourir de faim. Nous faisons d'autres choses.
r Mais ce n'est pas la bonne réponse, car c'est considérer comme acquise l'affirmation implicite de la question : si les logiciels n'appartiennent à personne, les programmeurs ne peuvent pas gagner le moindre centime. Ce serait soi-disant tout ou rien.
La véritable raison qui fera que les programmeurs ne mourront pas de faim est qu'il sera toujours possible pour eux de gagner leur vie en programmant. C'est juste qu'il ne seront pas aussi bien payés qu'aujourd'hui.
Restreindre la copie n'est pas la seule base sur laquelle fonder un commerce du logiciel. C'est la plus commune, car c'est celle qui rapporte le plus. Si elle était interdite ou rejetée par le client, le marché du logiciel modifierait son organisation. Il y a toujours plusieurs pratiques commerciales possibles.
Il est probable que la programmation ne sera plus une activité aussi lucrative qu'aujourd'hui, mais ce n'est pas un argument suffisant contre le changement. Personne ne considère le salaire des vendeurs de grands magasins comme une injustice. Si les programmeurs gagnaient autant, ça ne serait pas non plus injuste (en pratique, ils continueraient certainement à gagner encore beaucoup plus que ça).Ce texte a été écrit en 1985, quand les programmeurs gagnaient encore beaucoup d'argent. Douze ans plus tard, les salaires ont bien diminué. Les jours anciens sont révolus, quand un programmeur pouvait être la personne la mieux payée de toute l'entreprise juste parce qu'il savait écrire des routines d'accès aux bases de données, qui pourtant se ressemblaient toutes.
Quand naît le besoin d'un logiciel qui diffère des autres d'une quelconque façon, l'unique solution est de faire appel à un véritable programmeur. Voici quelques-unes des caractéristiques qui font d'un spécialiste de Linux un candidat idéal pour un tel cas :
Je pourrais ajouter quelques contre-indications :
- Passion. Une meilleure motivation que l'argent pour faire son travail.
- Amour du travail bien fait. Avoir appris de ses expériences passées, être capable de remettre en question ses réalisations et de les améliorer.
- Capacité à résoudre les problèmes. Confronté à un problème, il prendra plaisir à le résoudre de la manière la plus élégante possible et y parviendra souvent.
- Loyauté. Si son travail est reconnu, que le cadre est agréable, le sujet intéressant et le salaire raisonnable, il opposera une résistance supérieure à la normale aux chasseurs de tête qui voudront le débaucher.
- Un manque sensible d'enthousiasme pour le port de la cravate et les uniformes (comme pour toutes sortes de règles liberticides).
- Le souhait de comprendre ce que l'on fait rend peu attractif les postes où l'on a une vision parcellaire des choses, sans rien savoir du système dans son ensemble.
3.2 Nul n'est besoin d'un autre Windows 95
On voit régulièrement de nouvelles tentatives, appuyées de solides moyens financiers, visant à créer un système d'exploitation grand public basé sur Linux. Ces efforts se justifient par l'espoir de grapiller des parts de l'immense marché contrôlé par Microsoft. Quelques petits pourcents des énormes sommes concernées restent susceptibles d'assurer des gains raisonnables à ceux qui se lancent dans cette aventure.
En dépit de ce que pourrait laisser croire la situation présente, les jours du PC tel que nous le connaissons sont comptés.
Une bonne part des PC actuellement en fonctionnement est utilisée pour des tâches standardisées : gérer sa correspondance, utiliser des feuilles de calcul, tenir son agenda, jouer à des jeux et naviguer sur l'Internet. Combien connaissez-vous de PC qui utilisent des logiciels spécialement écrits pour eux. L'aboutissement logique, que beaucoup tentent d'entraver, serait d'inclure tout ce dont on pourrait avoir besoin pour travailler au bureau ou pour chez soi dans une unique boîte aussi simple d'emploi qu'une télévision.
Cette tendance s'est enfin concrétisée sous la forme des NC
NdT : Network Computer = Ordinateur de Réseau, de même qu'on avait Personal Computer = Ordinateur personnel par opposition au Mainframe = grand système . Peu importe le contenu exact de la boîte, pour l'utilisateur, la conséquence directe de l'adoption d'un NC est qu'il n'y a plus qu'une paire de câbles à brancher dans leurs prises respectives pour pouvoir utiliser la machine. Il n'est plus besoin, pour la personne qui s'occupe de son bon fonctionnement, de réinstaller Windows95 pour la n-ième fois parce que c'est la seule solution qui semble permettre de se débarrasser d'un message d'erreur incompréhensible.Ceci annonce aussi la mort des logiciels classiques « vendus en boîte ». Si le serveur devient le seul endroit où il est nécessaire d'installer un système d'exploitation, il va être difficile à Microsoft de maintenir son emprise sur le marché de l'informatique. NT n'a que très peu d'avantages, comparé aux différents Unix disponibles. En particulier, NT n'est pas plus facile à administrer qu'UNIX pour une personne qui connaît son métier. D'autre part, le jour où un réseau d'ordinateurs sera devenu si facile à gérer que quelques agents logiciels suffiront à l'administrateur pour tout faire, on passera à l'étape suivante : les NS (« Network Servers », je crois que je vais déposer le nom...)
NdT : Network Servers = Serveurs de Réseaux : groupe de plusieurs machines travaillant en parallèle et vues du réseau comme un « unique » serveur . Là encore, on voit mal comment une société ne connaissant que le domaine du logiciel et dont le seul but est le profit pourrait tirer son épingle du jeu.N'est-il pas futile d'essayer de devenir le nouveau Microsoft ? Est-il vraiment important d'avoir tellement d'argent qu'il devient matériellement impossible de le dépenser en une seule vie ?
3.3 Portrait de l'entrepreneur idéal
Mais qu'est-ce qui n'est pas futile ? Faire quelque chose de bien, qui rend le monde un peu meilleur... mais je l'ai déjà dit.
Certains prétendent que les idées flottent doucement dans l'air et viennent à vous lorsque vous êtes suffisamment réceptif. Lorsque quelqu'un a une idée, il doit trouver les moyens nécessaires pour concrétiser cette idée. Ensuite, d'autres pourront participer financièrement à la réalisation de cet entrepreneur pour en tirer eux aussi parti.
L'autre solution est que l'idée soit implantée au sein d'une société existante suffisamment ouverte d'esprit pour reconnaître sa valeur et mettre à disposition de son auteur assez de ressources pour qu'il la mène à terme.
Mais cette idée peut aussi consister à améliorer une façon de faire les choses déjà établie.
Quelle est l'entreprise qui ne pourrait tirer aucun avantage des technologies de l'information ? La plupart des entreprises qui souhaitent utiliser l'informatique doivent s'adresser à une société spécialisée. C'est à tous les entrepreneurs qui se trouvent confrontés au problème du choix des moyens informatiques à déployer pour réaliser leurs projets que je m'adresse maintenant.
Linux pourrait bien être le meilleur choix pour vous, mais pour que Linux s'adapte à votre cas, vous aurez besoin d'adopter un ou plusieurs spécialistes de Linux, pour vous assurer les services de quelqu'un qui connaît intimement l'outil avec lequel il travaille et qui l'apprécie. Quelqu'un qui peut vous bâtir LA solution qui vous convient et qui pourra maintenir à la pointe du progrès technique le système d'exploitation sur lequel elle repose.
Linux ne saurait être éternel. Rien n'est éternel. Mais Linux est maintenant parfaitement stable et mature. En particulier, Linux est l'outil idéal pour exploiter les possibilités d'un monde en réseau. Il est temps de mettre de côté ses réticences pour de profiter de cet état de fait. Avoir AUJOURD'HUI chez vous un expert Linux satisfait de sa situation et correctement nourri pourrait bien vous assurer une meilleure place dans le monde post-Microsoft de demain.
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Copyright (c) 98 Carlo Prelz - Publié dans le n°29 de la Linux Gazette.
Adaptation Française : Nicolas Chauvat